mardi 5 juillet 2016

Théâtre - L'île des esclaves

Théâtre- L'île des esclaves
L'île des esclaves
Marivaux
Etonnants Classique n°332, Flammarion
Quatrième de couverture: 
" À la suite d'un naufrage, des rescapés échouent sur une île étrange, où maîtres et valets sont contraints d'échanger noms, habits et conditions. Une nouvelle vie commence, fort réjouissante pour les uns et très amère pour les autres. Mais la pièce utopique réserve bien des surprises ; gagnés par l'empathie et l'émotion, les personnages donnent à l'inversion sociale un tour inattendu. Entre fable contestataire et fantaisie carnavalesque, L'île des esclaves bouscule l'ordre établi. Marivaux pointe les travers de son temps et examine sous un jour nouveau les rapports de servitude. "
Ah, Marivaux ... Incroyable, ce monsieur. Ses pièces sont riches, faciles à comprendre, mais complexes à la fois, j'adore.
J'ai lu, un peu tard vous me direz, L'île des esclaves. La pièce est extrêmement courte et se joue en un acte, j'ai donc enchaîné avec Le jeu de l'amour et du hasard, dont vous aurez mon avis dans un prochain article.
A- Histoire
C'est une pièce dont l'intrigue est assez simple:
Un noble, Iphicrate, et son célèbre valet Arlequin échouent sur une île, au large d'Athènes. Cette île est connue pour être régentée selon les lois d'anciens esclaves d'Athènes, et cela depuis des générations. Seulement, ces lois sont complètement différentes du modèle de servitude que l'on retrouve à cette époque : ici, les rôles sociaux sont inversés, le maître devient esclave, et l'esclave devient maître.
Alors qu'Iphicrate s'insurge de la provocation soudaine de son valet, survient le chef de cette île, Trivelin. Il ôte tous pouvoirs à Iphicrate, et les transmet à son valet.
Une noble, Euphrosine, et sa servante Cléanthis, suivent la même procédure. Seulement, Trivelin permet à Cléanthis de se défouler, et de passer en revue tous les abus et tous les défauts de sa maîtresse, ce qu'elle se permet de faire avec joie. Euphrosine en est honteuse. Il se passe la même chose avec Iphicrate et Arlequin.
Trivelin leur donne alors les pleins pouvoir sur leurs anciens maîtres: Cléanthis s'en donne à cœur joie, sans doute un peu rancunière des humeurs d'Euphrosine. Ils imaginent alors un tour pour se jouer un peu plus de leurs maîtres.
Mais jusqu'où peut-on faire payer les gens, se venger ?
B- Se positionner
Cette pièce m'a donné à réfléchir. Jusqu'où ? Quelles sont les limites ? Est-ce normal ? Que peut-on faire ? Ne pas faire ?
J'ai d'abord cherché à vouloir me positionner. Savoir si j'aurais été rancunière, si j'aurais pardonné de bonne grâce, si j'aurais voulu faire comprendre à quel pointêtre au service de quelqu'un n'est pas si facile qu'on peut le penser ...
Avec Arlequin et Cléanthis, nous avons les deux réactions opposées: Arlequin apparaît ici comme un personnage bon-vivant, qui se profite de la situation mais qui n'en abuse pas, alors que Cléanthis ressent le besoin de se venger de sa maîtresse.
Il s'agit donc de trouver le juste milieu !
C- Euphrosine, plus fragile qu'on ne le croit
Avec ce jeu qu'ils inventent, on passe la vitesse au-dessus, c'est à dire que l'on dépasse le stade de petite vengeance. Les serviteurs blessent et soumettent leurs maîtres. 
Le personnage qui m'a le plus marqué est sans aucun doute celui d'Euphrosine, spécialement dans les scènes 3 et 8 :
- Les paroles de Cléanthis dans la scène 3 sont dures à entendre, et la vérité dure à accepter. De plus, Euphrosine est ridiculisée, chose peu courante pour une noble de cette époque.
-  Alors que l'on ne sait pas comment Iphicrate vit la chose, c'est à la scène 8 entre Arlequin et Euphrosine qu'elle explose vraiment; et que l'on comprend qu'elle n'est pas seulement honteuse de ses précédents aveux forcés, mais bien tiraillée, et malmenée au fond de soi. A la suite de leur échange, Arlequin descend de son nuage, quitte son masque de jovialité pour comprendre les conséquences de ses précédentes actions.

D- En conclusion 
Malgré le désir de l'époque de changer la société et les catégories sociales, les personnages d'Arlequin et de Cléanthis nous montrent que, dès lors qu'une personne est considérée comme inférieure et moins importante qu'une autre et ceci dès son plus jeune âge -car on ne devient pas serviteur, on l'est par défaut-, il est très difficile de faire évoluer son point de vue.
La pièce est courte, plutôt simple, et donne à réfléchir. Rien que pour vous, pour vous dire "et oui, moi j'ai lu du Marivaux et j'ai bien aimé", qu'est-ce que vous attendez ? Foncez ! Hop, sur la Wishlist, ou même directement sur la PAL ! Ou même le niveau au-dessus, allez le voir directement au théâtre pour s'immerger complètement dans la pièce, se faire un avis des personnages en direct !
Et j'attends vos avis !